Roman érotique gay
Le premier jour de leur rentrée scolaire en sixième dans un collège de province, une profonde amitié se noue entre Sam, un garçon trans, et Val, un très jeune homme gay. La stigmatisation et l’insécurité les ont poussés à rêver d’un lieu idéal où règneraient la quiétude et la liberté. Des années plus tard, en dépit d’une suite d’évènements tragiques, ils vont réaliser cette utopie.
Grâce à l’aide et au courage d’autres hommes gays, eux aussi en quête d’amitié et d’amour, les Ateliers du Bonheur vont voir le jour. Ils seront le centre de rencontres professionnelles, amicales et amoureuses qui changeront la vie de plusieurs hommes aux parcours variés : certains, par la force des choses, se sont expatriés ; d’autres ont fui leur patrie ; d’aucuns sont venus se reconstruire dans un lieu sécurisé.
Tous ensembles, ils vont créer un havre de paix. Mais hélas, la quiétude n’est pas toujours pérenne. L’entraide et le soutien mutuel vont être leur crédo pour braver l'adversité.
Les Ateliers du Bonheur est un roman d’amitié et d’amour où vous croiserez des hommes gays de quinze à trente-quatre ans qui vont vous faire entrer dans leur intimité. Tous ont des secrets, des fêlures et des forces qu’ils uniront pour faire face aux obstacles de la vie et au monde extérieur trop souvent intolérant. Ce livre est un hymne à l’amour.
Tu m’as fait tant chavirer
De par tous tes fumets.
Je t’ai fait tant dériver
De par mes odeurs de marée
Je peux te cracher.
Tu peux te cacher.
Je peux te pleurer.
Tu peux sauver la face.
Je me fracasse,
Contre les rochers,
Dont tu t’es entouré.
Fini de nous ébaudir.
Tu ne peux que me maudire
Devant ma mer étale
Plus froide que du métal.
Tu ne hisses plus la vergue.
Désormais, j’évite ton iceberg.
Plus mouillage dans mon port,
Fini les grand transports,
Plus d’accostage à ma bite d’amarrage
Tu répugnes tous mes encrages.
Plus personne à la barre,
Pas de marin de quart
Pour surveiller l’océan et le vent
Nous dérivons bien trop souvent.
Entre soleil et mer
Embruns et terre,
Nous nous sommes échinés
Et si souvent déchirés :
Tire-moi à tribord,
Jette-moi à bâbord.
Le couteau entre les dents
Tous deux écumants,
Naufragés de l’attrait,
Nous ne faisons que douter.
En perdition d’amour,
N’embarquer n’a plus court.
Nous nous sommes sabordés.
Nous nous sommes échoués.
La pluie crépitante
frappe la carrosserie
Même le ciel pleure
Un ami parti
Tu ne l’oublieras jamais
Tu pleures à genoux
Je n’ai que mes bras
Pour adoucir ton chagrin.
Novembre endeuillé
Mon cœur est brisé
nous sortons du cimetière.
Ton ami est mort
Les ifs nous cortègent
La pluie zèbre ton chagrin
Tu n’as que mes bras
Sans arrêt tu pleurs
Les bruits du percolateur
Un café salé
La roue arrêtée
au moulin de Kériolet
mon pneu crevé
sous les frondaisons
au moulin de Kériolet
cœurs à l’unisson
Nous ne sommes pas Rimbaud et Verlaine.
Aucun de nous n’a écrit de la poésie.
Nous ne pratiquons pas la goétie
Nous ne nous aimons pas jusqu’à la haine.
De jour comme de nuit,
Assidu et ardemment, j’explore
Le seul pays que j’adore, ton corps.
Jamais je ne m’y ennuie.
J’aime t’entendre vibrer.
Saisie ou effleurée, ta peau,
Le plus beau des oripeaux,
Me fait à chaque fois, chavirer.
Mon amour, je n’aurais de cesse
De t’entendre râler de désir
Et de te noyer dans le plaisir
Lorsque je pilonne tes belles fesses.
Que tu me lèches, me suces ou m’avales,
Je me noie dans la volupté
Et n’ai plus aucune volonté,
Sauf celle de rester ton humble vassal.
Lorsque tu me prends sauvagement
Pendant que je fais danser entre mes doigts
Nos valseuses qui, en rythme, ondoient,
Je sais que tu quêtes quelque soulagement.
Notre amour pulsatile et infertile
Peut être raillé, décrié et moqué,
Nous aimerons toujours roquer.
Qu’il est bon d’être un couple versatile.
Yo, les darons,
Je ne sais pas trop quoi vous dire. Je ne sais pas si ça va me faire du bien, mais il paraît qu’il faut que je vous remercie, que j’ai de la gratitude. Ben j’suis bien emmerdé. Vous m’avez fait attendre plusieurs années. Ah sûr, c’étaient des années d’espoir, mais au bout du compte, d’espoir déçu. Puis un jour, j’ai su que vous attendre c’était perdre mon temps, alors j’ai vécu bancal et mal fichu. Rebelle et intoxiqué. Sans vision d’avenir.
Sûr, vous êtes là ou avez été là, quelque part, certainement, mais pas pour moi. Ça fait un bail que j’ai excusé votre oubli. Ben oui, ça arrive d’oublier un chiard dans une maternité. C’est petit et peut-être trop gueulard. Et puis, qu’est-ce que j’en sais de votre vie. Vous aviez peut-être pas le choix. Un polichinelle dans le tiroir après à une soirée trop arrosée ou une tournante qu’a mal tournée. Qu’est-ce que j’en sais. Parfois il faut bien se débarrasser des conneries qu’on a faites ou qu’on a subies.
Et puis, je me dis que si je vous avais connu, je serais peut-être même pas allé écouter et voir le brame du cerf quand j’avais 15 ans. Et j’y serais pas retourné tout seul après mes 18 ans. Et que je l’aurais pas rencontré mon béarnais. Alors oui, tout compte fait, et j’ai bien calculé, merci de m’avoir oublié ce 6 janvier dans une maternité. Merci de n’être jamais revenu me chercher, même si au début je vous ai attendu. Merci d’avoir continué à vivre votre vie et de m’avoir laissé la mienne. Merci pour tout. Merci. Merci. Merci. Grâce à vous, je vis heureux avec mon béarnais à la lisière d’une forêt. Merci les darons.
Adieu ou au diable.
Votre chiard qui se marre
PS : Peut-être qu'un jour, vous me lirez. Surtout, n’oubliez pas de continuer à m’oublier, les darons. Bon vent.
À 15 ans, j’ai fait un truc bien : Avec les potes de l’ASE, on est allé écouter et voir le brame du cerf en pleine forêt dans une clairière.
À 15 ans, j’avais arrêté d’espérer. C’était foutu pour être adopté.
À 15 ans, je traînais dans un CAP. La menuiserie, la maçonnerie ou la plomberie, quelle était la différence ? Je suis allé en mécanique moto.
À 15 ans, les filles, je m’en foutais.
À 15 ans, j’ai piqué une première moto.
À 15 ans, je savais qu’il fallait fermer sa gueule quand on aime reluquer les mecs.
À 15 ans, je piquais dans les magasins. L’éducateur me récupérait dépité.
À 15 ans, je me suis mis à lire.
À 15 ans, j’ai taillé ma première pipe : « Tu me baises pas et tu m’embrasses pas ! » C’est tout ce que je lui ai dit pour 50 billets.
À 15 ans, je croyais que rien n’avait d’importance et que tout était foutu.
À 15 ans, je ne savais rien, mais je sentais que j’aurais pu savoir des trucs. La culture s’était pour d’autres.
À 15 ans, au lieu de la colle et autres solvants, pour la première fois, j’ai sniffé du lourd contre une déchirure de l’anus.
À 15 ans, j’attendais d’être à la rue pour mes 18 ans et de retourner écouter et voir le brame du cerf.
Mais, à 15 ans, si j’avais su que tu existais, je n’aurais pas déglingué mon adolescence. J’aurais été plus léger et insouciant. J’aurais respiré. Je n’aurais pas tenté de me suicider. J’aurais espéré et patienté. La Mort n’a pas voulu de moi. Elle a vu ce que je ferais dans trois ans. Afin qu’enfin, je n’ai plus faim et que je te rencontre, en cette fin d’après-midi en faction pour profiter du brame du cerf.
Partir… Partir loin, très loin. Valentine l’avait déjà fait. La petite vachère avait pris le chemin le plus long qui soit. Son immobile et silencieux voyage avait débuté cinq années auparavant lorsqu’elle avait senti du chanvre rêche enserrer son cou. Quand bien même saurait-elle que le monde existait au-delà des limites du canton de Senlis, quand bien même son corps pourrait-il naviguer vers Valparaiso, la «perle du Pacifique» ou déambuler dans le marché aux perles d’Hyderabad, à présent il resterait ancré entre des murs blanchis à la chaux. Voyager dans l’autre hémisphère planétaire ne l’empêcherait nullement de rester enfermée dans ses deux hémisphères cérébraux car c’était en eux qu’elle vagabondait.
À son arrivée ici, par mesure de précaution, sa longue chevelure hirsute avait été rasée, son corps lessivé et son âme infantilisée. Un traversin, un oreiller, une couverture et une courtepointe lui avaient été fournis. Que Valentine soit comme aujourd’hui dans le confort d’un asile et sur une paillasse propre ou, comme hier dans l’indigence d’une étable et sur la paille brute entourée de ses vaches, elle avait les yeux fixes et la bouche scellée : le monde l’indifférait. Son corps n’avait plus d’existence tangible et son esprit s’était envolé dans des univers de comètes et d’astres thaumaturgiques.
Comme Séraphine Louis, elle aurait pu exulter grâce à une nécessité intérieure de création et faire jaillir de luxuriants bouquets de fruits et de fleurs, mais sa conscience s’était évadée et entreprenait la conquête de mondes éthérés. Elle partait pour de merveilleuses odyssées célestes immobiles.
Pareille à une bulle indolente et libérée de l’attraction terrestre, Valentine flottait dans un espace constellé où d’autres fines et légères sphères révélant le spectre de l’arc en ciel, arrivaient en salve serrées et éclataient au contact de sa peau insensible. Elle les laissait frôler son dos lacéré et son ventre outragé. Le déplacement circulaire de particules invisibles que produisait la translation des boules souples, faisait frissonner son âme et lui rendait le souvenir de la douceur des caresses maternelles. Son extravagant périple l’emmenait sur une étoile égarée ou une planète discrète. Inéluctablement, sa vie rêvée prenait fin : c’était alors qu’elle planait lentement vers ce qui lui semblait être la Terre et lévitait à quelques pouces du sol, puis papillonnait jusqu’aux ruines d’une église romane identique à celle qu’elle avait aperçue sur un journal illustré posé sur la table de cuisine de ses anciens maîtres ; l’arche d’entrée en plein cintre trouait une façade dont la plupart des blocs de granit avaient chu ; à l’intérieur, de folles et hautes herbes humides couraient entre les dalles disjointes du pavement ; la grande rose de l’abside dépourvue de vitraux se découpait en une fine dentelle sur le ciel stellaire.
Valentine n’avait plus de souvenir de la perception des vivants, elle avait laissé son corps souillé et n’avait gardé que son esprit innocent.
Le matin du dernier jour d’octobre 1898, entrant dans sa chambre, une cornette essaima de douces messes basses tout en ouvrant la fenêtre du chien-assis. Les miasmes de la nuit aventureuse de Valentine s’échappèrent vers l’empyrée automnal. Après avoir secondé la jeune vachère lors de ses ablutions matinales et déposé un frugal repas sur le chevet, la sœur sortit. À l’instant précis où la porte se referma, un piaf pelé et pépiant, aux yeux mobiles, atterrit sur l’espagnolette en position horizontale. Son petit corps famélique était entraîné dans une gigue comique : l’absence de patte gauche ne l’empêchait pas de balancer son corps, tout en ébrouant son miteux plumage contrastant avec son joyeux ramage. Il s’introduisit dans la chambre monacale : l’impudent voleta et se posa sur le haut du dossier d’une chaise en paille. Comme étonné de voir un humain, il se figea, se tut et fixa ses prunelles noires dans le regard adouci de Valentine. Son petit crâne presque chauve se pencha vivement sur le côté. Maintenant, sa tête dodelinait de gauche à droite. L’amusant et répétitif hochement s’arrêta et il se remit à chanter. L’aubade dura de longues minutes. L’internée était sous le charme. À nouveau, l’oiseau cessa son gazouillis. Prestement, il s’élança, atterrit sur le plateau du chevet et picora les miettes de pain égarées. Il lui suffit d’un coup d’aile pour se poser sur l’avant-bras de Valentine qui frissonna : le contact de la petite patte griffue offrit à la jeune fille de renouer avec les sensations que pouvait lui donner sa peau. À gestes mesurés, elle caressa délicatement le volatile. Le sauvage aurait dû s’enfuir, mais contre toute attente, il fit un petit saut afin d’atteindre le pouce de Valentine qui sursauta légèrement. Il fixa ses petites billes d’onyx sur l’humaine hébétée, puis reprit son chant.
Des liens se nouèrent entre les deux éclopés : malgré la froide humidité de l’arrière-saison, Valentine prit l’habitude de laisser la fenêtre ouverte afin de donner à l’oiseau, toute latitude pour venir égayer sa claustration ou repartir dans les gris d’automne. L’assurance naturelle du moineau le menait à picorer les restes de pitance qu’elle lui réservait, et souvent il prenait ses aises en se perchant sur le haut du crâne de Valentine et lui contait ses nombreuses excursions dans un langage qu’elle comprenait. Alors, elle s’imaginait accrochée à son cou, survolant la terre des hommes, virevoltant d’arbre en arbre, s’élevant vers les cieux radieux, piquant vers un champ de blé mûri et folâtrant dans la glèbe retournée à la recherche de quelques vermisseaux. Libérée de ses attaches terrestres, la vachère faisait partie intégrante du royaume d’en haut où elle respirait un air inconnu et devenait maîtresse d’un monde de lilliputiens qui s’agitait sur le plancher des vaches. Grâce à son ami à plumes, elle faisait de nouvelles explorations sédentaires plus belles les unes que les autres.
Au début, ce ne fut qu’une légère gêne au niveau de ses omoplates, puis les jours passant, Valentine ne put se coucher sur le dos. Sa camisole devenait de plus en plus étroite. Le dix-septième jour de novembre 1898, à l'instar des êtres indépendants, l’oiseau prit son essor et ne revint pas. Quelques temps après avoir réalisé la défection du volatile et son abandon, Valentine ôta l’oripeau de toile et voulut le rejoindre. Elle déploya son pennage, lissa ses rémiges et prit elle aussi son envol.
Cinq années auparavant, le maréchal des logis Durieux avait trouvé Valentine à quelques pas du chemin de fer. Il se souvenait de ce jour maudit comme si c’était hier. Il revoyait le disque solaire jaunâtre qui peinait à éclairer ce dernier jour d’octobre de l’an 1893. Il se remémorait tous ses gestes: il avait délivré les poignets de la jeune vachère entravés par une corde ; il avait délié l’autre cordelette enserrant son cou gracile ; il avait recouvert de sa vareuse, la peau opaline de la gisante violentée ; à ce moment-là, il avait perçu une fine brume sortant des narines ensanglantées ; immédiatement, il avait fait quérir un chariot afin de la transporter à l’hôpital de Senlis et l’avait accompagnée. Depuis lors, la jeune rescapée était restée dans un profond mutisme et avait montré une totale désaffection envers le monde.
Pendant ces cinq longues années, le gendarme n’avait eu de cesse de trouver l’infâme qui avait perpétré cet acte odieux, mais hélas son enquête fut vaine. Depuis cet abominable crime, indéfectiblement, tous les mois, il rendait visite à Valentine, lui apportant quelques bouts de savon, des mitaines, un châle tricoté avec soin par son épouse ou bien encore un panier garni. Ce fut avec une profonde peine qu’il apprit l’irrévocable voyage de Valentine la vachère : sa défenestration.
Dans la mélancolie de novembre, les pans des pèlerines de quelques cornettes claquaient au premier vent septentrional. Caché par le petit groupe de sœurs, tête baissée, on pouvait apercevoir un homme d’arme aux yeux couleur chagrin, en tenue de cérémonie se recueillir devant le carré des indigents.
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